La loge à François

Tandis que la guerre de Cent Ans prolongeait ses ravages dans la contrée, un aventurier se réfugia dans la forêt de Tronçais.

A l' endroit où se trouve aujourd'hui le Rond du Chevreuil, il bâtit une cabane en tronc d' arbres à la manière des bûcherons et la couvrit de mottes de terre. Il y installa une auberge ayant pour enseigne: "A la bouteille". Mais comme il s' appelait François, sa bâtisse fût bientôt plus connue sous le nom de la loge à François.

Ce singulier tenancier, pour augmenter ses profits, en vint vite à piller les passants ou même à tuer les voyageurs assez hardis pour chercher asile sous son abri rustique. Ensuite il s' appropriait leurs biens. Malgré l' impunité qu' il se croyait assuré par le secret des arbres touffus, ses forfaits se multiplièrent au point de semer l' épouvante aux environs et de parvenir à la connaissance des juges. Aussi des hommes d' armes furent-ils envoyés sur place. Ils appréhendèrent François et sans plus de procès, en raison de ses crimes si nombreux et si flagrants, le pendirent au chêne le plus proche.

La loge à l' abandon recevait à l' occasion des bûcherons, des gagne-petit, des colporteurs ambulants forcés de traverser la forêt. Un de ces Dauphinois dits aussi cols verts d' après la couleur de leurs habits, qui se mirent à parcourir les campagnes bourbonnaises en vendant de la toile, s'y blottit un soir pour passer la nuit. Il fut dévoré par les loups. Sa balle de marchandises et les débris sanglants de ses vêtements permirent de comprendre son triste sort lorsqu' on le découvrit...
On raconte aussi qu'en 1811, une équipe de bûcherons avait entrepris une coupe dans les parages. Elle répara la loge à François pour y demeurer durant leur exploitation. Une nuit, les hommes rentrés dans cet abri chancelant furent assiégés par un troupeau de loups affamés se lançant à l' assaut. Les bûcherons, sans armes, s' efforçaient de consolider leurs cloisons vermoulues et menaçant de céder sous la pression des griffes agressives. Angoissés, croyant leur dernière heure venue, ils perçurent le bruit d' un choc: c' était un loup, plus hardi que ses congénères, qui venait de sauter sur le toit en mottes de la loge. Le piteux état de cette couverture permit aux pattes de la bête de pénétrer à l' intérieur. Les bûcherons s' en saisirent et sous l' étreinte, le loup se mit à pousser des hurlements d' effroi qui répandit la terreur parmi les assaillants. Ils déguerpirent au plus profond des halliers tandis que les pauvres bûcherons se sentaient délivrés...